Depuis que j'ai eu le courage de reprendre les démarches du "soignons Laura", j'ai envie de râler. J'ai pensé à vous, lecteurs. Un bon moment que j'ai pas râlé de votre côté. N'est-ce pas?
Alors allons-y.
Le "soignons Laura" représente cette espèce de course idiote aux docteurs et aux thérapeutes sensés m'aider à aller mieux.
En passant dans une petite rue de notre nouveau patelin paumé, j'ai vu "Centre Médico Psychologique de l'Enfant et de l'Adolescent" avec précisé en petit qu'il s'agissait d'une antenne de l'hôpital de Montpellier.
Un signe, ai-je pensé. Juste à côté de chez moi, une équipe de pédopsy et d'éducatrice qui, a priori, devraient connaître le post partum et ses dégâts! J'ai poussé la porte.
_ "Bonjour.
_ Bonjour.
_ Je viens voir si vous pouvez m'aider. Je suis maman de deux enfants...
_ Oui. Quels problèmes ont vos enfants?"
Blanc.
_ "Aucun. Ils vont bien. C'est pour moi.
_ Ah. Mais vous avez des problèmes avec l'un d'eux, non?
_ Non. Je suis juste en dépression post partum. Mes enfants n'ont rien, ils vont bien et je n'ai pas de problème vis-à-vis d'eux.
_ Ah. Ben je sais pas. On s'occupe des enfants, nous, ici.
_ Vous avez des pédopsy, chez vous, non?
_ Oui, dans notre équipe, il y en a.
_ Les pédopsy savent traiter une dépression post partum, NORMALEMENT. Non?
_ Euh... Je sais pas.
_ Ok. Bon, écoutez. Tant pis!
_ Ben donnez-moi votre numéro de téléphone, on verra pour vous rappeler. Au pire, on demandera à Montpellier, à l'hôpital. Ils sauront peut-être."
C'est le bout du monde. A croire que je suis la première femme sur Terre à faire cette fichue dépression, prétendument répandue...!
Une semaine plus tard, j'avais un appel. Ou plutôt, mon téléphone qui ne capte rien dans ce trou, m'informait qu'on m'avait laissé un message. Incapable de rappeler le "numéro privé" qui ne s'était, pour le coup, pas affiché, je décidai de repasser dans ce centre de cette petite rue.
La personne qui m'avait appelée n'était plus là, mais sa collègue, qui remarqua ma présence après plus de trente minutes à faire les cent pas dans le couloir, vint reprendre mon numéro de téléphone, nota à côté mon nom et un "attention, problèmes de téléphone". Je la quittai avant qu'elle ne me refasse le coup du "on ne soigne que les enfants ici" (parce qu'un enfant sain avec un parent malade, c'est pas graaaaave!).
La semaine suivante, j'ai un nouvel appel. Cette fois je décrochai.
C'était hier.
_ "Allô?
_ Bonjour. C'est le CMPEA!"
Blanc.
_ "Le quoi?
_ Le Centre médico psychologique.
_ Ah. Ok. Dit comme ça, c'est beaucoup plus clair.
_ Ecoutez je vous rappelle parce que vous avez des problèmes de téléphone donc vous n'avez pas eu mon message.
_ En fait, si, je l'ai eu. Je ne pouvais juste pas vous rappeler...
_ Bon. Ecoutez. Ici, on ne s'occupe que des enfants.
_ Oui, ça aussi, j'avais bien reçu. Votre collègue me l'avait déjà redit, encore une fois. Du coup, vous me rappelez pourquoi?"
Elle parut complètement désarçonnée par ma question. En même temps, désolée, mais je n'ai pas trop de temps à perdre avec des gens qui veulent passer le leur à me dire qu'ils ne m'aideront pas.
_ "Euh... Ben comme vous êtes passée quand même deux fois, j'ai pensé que c'était qu'il y avait une vraie volonté d'être aidée, donc je ne voulais pas passer à côté de votre détresse.
_ C'est bien gentil. Vous proposez quoi?"
Oui, je n'ai pas fait dans la gentillesse, mais le droit au but n'étant pas le fort des gens autour de moi, ça commence à me gonfler sévère.
_ "J'ai contacté pour vous l'hôpital de Montpellier pour me renseigner et voir si on pouvait même en place un suivi, mais ils ont besoin de baliser un peu le terrain... Du coup, je vais vous poser des questions.
_ Formidable. Allez-y."
Elle a posé ses questions jusqu'au fameux:
_ "Comment s'est passé l'accouchement?
_ Il y a pas eu d'accouchement."
J'étais en mode réponse automatique, j'ai lâché ça sur un ton automatique et détaché. Elle a à nouveau marqué un blanc.
_ "Comment ça?
_ Je n'ai pas accouché, j'ai reformulé.
_ Mais il a bien fallu que votre bébé... sorte...?
_ Oui, c'est le mot. Ils l'ont sorti.
_ C'était quoi? Une césarienne?
_ C'est ça.
_ Visiblement, ça vous a marqué?
_ Ah bon? Vous croyez?
_ Vous avez l'air... euh... en colère, peut-être?
_ Je sais pas. C'est normal, selon vous, d'être ouverte en deux comme du bétail, de se faire voler la naissance de son bébé et d'être séparée de lui pour le bien d'un planning? Parce que c'est de ça qu'il est question, finalement. On ne laisse plus le choix aux mamans pour ne pas avoir à s'encombrer d'une femme enceinte à suivre.
_ Ce n'était pas prévu?
_ Que la poche des eaux se fissurent? Pas vraiment, non.
_ Ils ont eu un doute, alors. A cause des risques infectieux.
_ Vous trouvez que j'ai l'air toxique pour mon bébé? Que j'allais "infecté" mon enfant alors que la fissure s'était très probablement colmatée d'elle-même le jour même et que tout était normal?
_ Je vois que vous n'êtes pas satisfaite des décisions des médecins.
_ Parce que mon corps, c'est LEUR décision? C'est normal, énoncé comme ça?
_ Ils ont fait au mieux, probablement.
_ Pourquoi je n'ai pas été informée de ce que ce "risque" représente en pourcentage? Pourquoi est-ce que moi je ne suis pas capable de décider au mieux pour mon corps et pour mon enfant, après information? Je suis si nulle que ça?"
Nouveau blanc. Elle ne savait pas du tout par quel bout prendre mes questions, la pauvre.
_ "Bon, écoutez, on va vous aider. Je vais continuer les questions, et puis ma collègue de Montpellier va vous recontacter dans l'après-midi."
Information qu'elle m'a répétée quatre ou cinq fois. Genre je comprends pas quand on me parle...
La collègue a bien appelé dans l'après-midi. A 14h13 pour être exacte.
Elle m'a donné un rendez-vous pour aujourd'ui à 15h.
Je suis partie prendre un bus qui devait m'emmener à Montpellier à 13h50. J'ai attendu une heure avec mes deux enfants au bord de la route. Je l'ai rappelée à 14h45 pour lui dire que j'aurais dû mal à être à l'heure mais que, a priori, si j'ai de la chance, je n'aurais QUE 50 minutes de retard.
Elle a préféré annulé le rendez-vous et m'en donner un autre mardi matin.
Ensuite, elle a voulu avoir le numéro de téléphone de la PMI pour "m'aider à avoir un rendez-vous plus rapidement" (il y a deux semaines, ils m'ont donné un premier rendez-vous le... 3 juillet), puis elle a voulu celui de la crèche.
_ "Euh... Excusez-moi, mais... pourquoi faire? Vous allez les appeler pour leur dire "bonjour, vous avez une maman dépressive, ça ne vous regarde pas mais je vous le dis quand même?"...?
_ Euh... Ben... Non mais c'est pour vous aider à avoir plus de place...
_ Ecoutez, je suis sur la commune depuis un mois à peine et ma fille a déjà une place en crèche avec un accueil régulier. D'accord, c'est seulement deux matins par semaine, mais quand on sait combien c'est difficile d'avoir une place, je trouve que c'est déjà énorme. Je ne vois pas trop l'intérêt d'aller les embêter alors qu'ils ont déjà été tellement sympa avec nous et qu'en plus, mes problèmes ne les regardent pas...!
_ Euh... bon, d'accord, alors vous vous en chargez?
_ Oui. Voilà. C'est ça."
Et là, je me suis sentie tellement énervée!! Alors parce que je pleure de temps en temps, je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit? On me pense débile et incapable de m'occuper de mes enfants, de ma maison, des inscriptions en crèche, de la paperasse?! JUSTE PARCE QUE JE PLEURE LE SOIR?!
Je suis révoltée!! Ok, ça partait d'un bon sentiment, mais là c'est étouffant et même... envahissant!! J'ai pas demandé à ce qu'on m'avance mon rendez-vous à la PMI, ni à ce qu'on enquiquine la crèche pour qu'ils prennent Amélia plus souvent. D'ailleurs, je trouve que deux fois par semaine, c'est suffisant. Zut, quoi!!
Bon, voilà. J'ai râlé... ça m'a fait du bien.
Merci, lecteurs, de m'avoir écouté râler. On néglige les bienfaits des râlages. On devrait râler plus souvent. Pousser une bonne gueulante, ça libère! C'est une râleuse professionnelle qui vous le dit!