La nouvelle inespérée
Vendredi j'avais un rendez-vous avec une nouvelle gynéco.
C'est une vieille dame que je ne connaissais pas du tout mais maman m'avait dit qu'elle avait excellente réputation et y était allée le mois d'avant, occasion à laquelle elle m'avait pris ce rendez-vous.
J'y suis allée pour 14h15.
J'annonce mon nom à la secrétaire, elle remplit mon dossier (quand tu viens pour la première fois quelque part, tu remplis toujours quinze papiers...) et me prie de patienter en salle d'attente.
_ "Il y a beaucoup d'attente?
_ Deux personnes avant vous.
_ Ah. Et en temps, ça fait combien, ça?
_ Une heure, environ."
J'ai grincé des dents.
_ "Ah... Je peux repasser dans une heure? Parce que... j'ai mon bébé dans la voiture..."
J'ai vu son regard horrifié.
_ "Non mais, pas toute seule. Elle est avec ma mère... Evidemment, je ne laisse pas ma fille dans une voiture..."
Regard rassuré.
_ "Ah. Oui, je comprends. Ben oui, allez vous occuper d'elle et repasser dans quarante minutes, par là. Ce sera votre tour."
Je l'ai remerciée et je suis sortie.
Déjà, moi, je me demande NAIVEMENT pourquoi tous les gynéco sont aussi à la bourre avec leurs rendez-vous. Surtout ceux en cabinet, qui ne risquent pas de perdre du temps en allant faire une césarienne d'urgence au bloc. Il faudra un jour qu'on m'explique. Soit ils prévoient plus de temps par rendez-vous au lieu de les caser toutes les dix minutes (ce qui, en fait, est à peine le temps qu'il faut pour se dire bonjour, donc si on rajoute le temps de l'examen, des questions-réponses et des ordonnances, normal que ça coince...), soit ils préviennent par téléphone les pauvres patientes qu'il ne faut pas se presser et qu'elles peuvent largement arriver en retard dans un lieu suffisamment stressant pour qu'on ne soit pas obligé de s'y attarder outre mesure.
Non?
'Fin je dis ça... je dis rien.
Le rendez-vous, contre toute attente, s'est super bien passé. Vous n'avez pas idée d'à quel point je suis soulagée.
Bon, évidemment, ça veut dire que je vais devoir aller à Porc-de-Bouc pour être suivie... mais trouver un bon gynéco est si difficile que je suis prête à tout pour garder celle-là!
Extraits.
_ "J'ai un HPV. Enfin... avais...? En fait, on s'est aperçu de ça pendant ma grossesse, ça me brûlait, grattait, fait mal, c'était horrible. J'ai pensé à un herpès et on m'a dit que j'avais ça. J'ai tout entendu. Qu'il fallait peut-être avorter parce que c'était incompatible avec la grossesse, qu'on ne pouvait pas soigner une femme enceinte et que c'était trop avancé pour laisser les choses telles quelles... Puis j'ai vu un gynéco à l'hôpital qui m'a dit que ce n'était rien, que mon climat immunodéficient de femme enceinte encourageait le développement du truc, qu'on devait juste attendre. Je me suis inquiétée des risques de césarienne, on m'a dit non non. Le résultat c'est que le jour de l'accouchement, tout passait voie basse, j'étais partie pour accoucher normalement et le gynéco est arrivé alarmé en s'époumonant qu'il me fallait une césarienne pour éviter la contamination de mon bébé et m'a emmenée au bloc pour ouvrir alors que je commençais à pousser."
Je cligne des yeux.
_ "Je crois que j'ai tout résumé. Euh... ça veut dire que j'ai eu une césarienne. D'ailleurs, j'ai mal au niveau de la cicatrice intérieure de temps en temps. Et au ventre quand ma fille tète.
_ Normal. Quand elle tète, vous produisez de l'ocytocine qui déclenche des contractions utérines légèrement. Normalement ça ne fait plus mal mais comme vous avez eu une césarienne, votre utérus est plus sensible."
Enfin une réponse sensée et logique! Miracle!
_ "Ce sera sensible longtemps?
_ Pendant un an, voire plus.
_ Formidable...
_ Du coup, vous allaitez.
_ Oui. Depuis huit mois, elle les a eus hier.
_ Vous voulez continuer longtemps?
_ Autant que faire se peut.
_ C'est bizarre qu'ils aient voulu vous faire une césarienne pour un HPV. Ce n'est pas un critère pour une césarienne, normalement."
Là, j'ai commencé à avoir des envies de meurtre envers mon ex-gynéco.
_ "C'est vrai? ai-je lâché.
_ Oui. Surtout si tout passait voie basse.
_ Ils m'ont dit que c'était pour qu'elle ne soit pas contaminée...!
_ Les risques sont négligeables, sauf si c'était vraiment très très fleuri et qu'elle risquait d'inhaler le virus, mais il faut vraiment un développement impressionnant..."
J'ai senti mon envie de meurtre devenir exponentielle. Ils m'avaient pris la naissance de ma fille... pour rien?! Ils m'avaient ouvert le ventre, ils me l'avaient arrachée du fin fond du corps comme un paquet qu'on retire d'une boite aux lettres étriquées pour RIEN DU TOUT?!
En voyant ma tête décomposée, elle a gentiment ajouté:
_ "Maintenant, l'important c'est que vous alliez bien toutes les deux.
_ Oui."
Elle m'a invitée à m'installer sur la table pour faire un frottis.
_ "Il faut que je vous prévienne... je suis... euh..."
Comment dire ça?
_ "Réfractaire aux touchers vaginaux. Je ne suis pas à l'aise, j'ai tendance à me crisper, du coup vous allez vous énerver, je vais me crisper encore plus, et avoir mal, et vous me direz des horreurs..."
Je marque une pause.
_ "Enfin, vous êtes prévenue.
_ Ne vous inquiétez pas, on va le faire doucement."
Effectivement, je ne me suis presque pas crispée, elle a réussi à ne pas me faire mal avec le spéculum.
En voyant mon pubis, j'ai eu droit à:
_ "Ah ben oui, ils ne vous ont pas loupé!"
Et là, j'ai compris que ma cicatrice mode Frankeinstein, si elle avait été faite par un médecin compétant, aurait pu être beaucoup moins laide et bien plus discrète... L'accouchement de mes rêves, hein!
Elle a fait le frottis.
Puis un toucher vaginal pour vérifier la cicatrice de la césarienne.
_ "Tout va bien, a-t-elle dit."
Puis j'ai posé une question concernant le frottis.
_ "Ils vont chercher la présence du HPV?
_ Oui. Mais vous savez, la nature est bien faite. Il se peut que vous ayez développé des anticorps contre ce virus. Les anticorps peuvent manger le virus et vous guérir définitivement.
_ Définitivement?"
Je n'en ai pas cru mes oreilles. C'est le genre de phrase inespérée qu'on entend qu'une fois dans sa vie, et encore, genre vous êtes paraplégique mais demain vous marcherez.
_ "Attendez... A l'hôpital de Gap, on m'a expliqué que j'étais porteuse à vie. Que c'était un virus dont je ne pourrai jamais me débarrasser...! On m'avait parlé de laser à faire encore et encore tant qu'il reviendrait, tout ça...?
_ Non, si le frottis est négatif, c'est que vous l'avez chassé.
_ Et s'il est positif?
_ Alors on devra surveiller pour qu'il ne se redéveloppe pas. Mais nous aviserons à ce moment-là. En attendant, soyez tranquille. A partir de maintenant, nous allons prendre ça en charge, nous ferons ce qu'il faut."
En disant "nous", elle voulait dire elle et moi, et ça m'a vraiment rassurée. Je me suis sentie plus légère.
_ "On va prendre rendez-vous pour une colpo. J'irai voir l'état du col de votre utérus, pour nous assurer que le virus de l'a pas déjà endommagé; parce que si c'est un virus oncogène, on a des risques de cancer du col de l'utérus, comme vous le savez.
_ Oui.
_ Donc on va aller voir l'état du col, vous allez prendre un autre rendez-vous. D'ici là, on aura les résultats du frottis. Tout va bien se passer."
Je pense qu'elle a ajouté cette dernière phrase en voyant la tête que je faisais devant l'appareil qui servait à faire la colpo en question.
J'ai un rendez-vous pour début juin.
Les gens, vous réalisez?
Je peux guérir. Je suis peut-être même déjà guérie! Un jour, si je veux, je pourrai ravoir une vie normale avec un type normal et faire des bébés de façon normale. Bon, ok, je veux pas, mais n'empêche, ce sera possible.
Bien-sûr, il y a le scénario catastrophe où on m'apprend début juin que j'ai déjà un cancer du col de l'utérus, que je suis toujours porteuse et tout et tout.
Mais il existe aussi la possibilité que je sois guérie et définitivement débarrassée de ce HPV, que je ne contamine jamais le futur nouvel homme de ma vie ou mes enfants, que mon col soit indemne et que le Prince Charmant, voisin du Père-Noël, décide de venir faire un tour sous ma fenêtre pour me chanter une sérénade...
C'est peut-être naïf, mais l'idée me plait bien.
Etre guérie. Etre tranquille à vie.
Etre heureuse sans le moindre nuage à l'horizon, en harmonie avec mon vagin que plus personne n'aura l'autorisation de mettre en danger... Ah, une vie de célibat à nager dans le bonheur de la maternité et la peinture à doigts, avec le plus beau bébé du monde et un chat un peu gras...! Que demande le peuple?
Quand j'y pense, mais quelle bande de boulets, à l'hôpital de Gap...! Incapables de me dire que je peux guérir, à soutenir que je vais avoir cette saleté à vie... Et pour l'ex-gynéco n'a-t-il pas cherché à savoir si mon col était abîmé? Je l'avais revu après l'accouchement, vers les deux mois de Lya. Pourquoi n'en a-t-il pas parlé? Genre si mon col est abîmé, il s'en fout, c'est pas grave?
Et cette césarienne pour rien...! Une équipe de bras cassés!
Non mais je crois que je vais aller poser une bombe artisanale devant leurs portes, tiens...