Depuis que j'ai lu La fessée, d'Olivier Maurel, je regarde les choses autrement.
Bien entendu, frapper mes enfants, lever la main sur eux, même pas fort, même pour dire non ou stop, même parce que je suis en colère, ne m'a jamais paru une bonne solution. Je me souviens de cet instant où, détaillant Amélia endormie contre moi à la maternité, quelques heures à peine après sa naissance, j'ai pensé: "Comment puis-je autant t'aimer aujourd'hui, me sentir capable d'en exploser, et savoir que demain je te taperai pour t'apprendre à vivre?"
Oh, qu'on se rassure. Amélia a déjà reçu, à ce jour, 3 fessées. J'en tiens le décompte dans ma tête, comme autant d'échec à me faire obéir, ou plutôt, à accepter son refus d'être un pantin décérébré se pliant aux caprices d'une mère abusive...
D'accord, je peins la chose un peu en noir... et après?
Si je veux conseiller aujourd'hui ce livre d'Olivier Maurel à tous les jeunes et futurs parents, pour qu'ils prennent conscience de l'état actuel des choses, de la place que nous refusons de laisser aux enfants dans nos sociétés modernes, et surtout qu'ils puissent, sans culpabilité aucune, réaliser qu'il y a d'autres façons de faire, j'aimerais avant tout témoigner.
Si vous êtes parents, vous savez combien, parfois, on peut avoir envie de faire mal à son enfant. Un tout petit être sans défense, qui dépend complètement de nous pour sa survie, qui croit en nous comme personne d'autre au monde ne le fera, un petit d'homme en devenir, fragile, influençable, mais avide de découvertes, d'expériences et du monde, c'est comme une tornade qu'aucun bulletin météo n'aurait annoncé. Avec tout l'amour qu'on peut éprouver pour eux, souvent on se sent dépassé. Parfois même, un "non" de l'enfant est vécu comme un rejet de notre personne, de l'irrespect, de la provocation.
Bien-entendu, pour peu qu'on y réfléchisse, on s'aperçoit que c'est une expérience de plus. Notre bébé teste jusqu'où va son pouvoir de décision, jusqu'où nous acceptons le compromis, etc. Jamais un enfant si petit n'agit dans l'intention de faire du mal, et surtout pas à ses parents qu'il aime d'un amour qu'on ne peut porter à personne d'autre. Mais les "non" de nos enfants résonnent dans nos esprits comme des choses terriblement néfastes, faisant parfois écho à nos propres "non" bafoués ou tus, remuant douleur et colère, frustration et impuissance.
Alors nous réponds à nos enfants comme on nous a répondu. La main part, automatique, inculquée par notre éducation comme étant la base de l'éducation des enfants. Elle frappe, elle blesse, elle déclenche des pleurs...
Pleurs qu'on est tenté de faire taire à nouveau par des:
_ "Maintenant ça suffit! Et tu te tais ou tu vas pleurer pour quelque chose!!"
On crie, on menace, on rejette.
Et voilà que de rejeté nous devenons rejetant.
Nous rejetons ce petit être fragile et si nécessiteux de nous alors que nous pourrions avoir juré hier, ce nouveau-né dans nos bras, que rien au monde ne lui ferait du mal tant que nous nous tiendrons entre lui et le monde.
Ensuite vient la culpabilité. L'angoisse de recommencer. La compréhension douloureuse et implacable qu'on ne se connait pas, qu'on réagit de manière violente et imprévisible, que nous pouvons faire du mal à notre bébé.
On se cherche des excuses, du genre "elle l'a bien cherché! elle n'a pas écouté mes mises en garde!", ou encore "une fessée, ce n'est rien, c'est pour dire stop!", et puis des "j'en suis pas morte, moi! C'est pas comme si je la battais, non...!". Je mets ça sur le dos de la fatigue, du besoin de sommeil, du besoin d'être entendue sans répéter dix fois les mêmes choses...
Mais au fond, on sait. On sait que c'est mal agir, qu'il n'y a pas d'excuses. Pas même l'éducation qu'on nous a donnée. Pas même la fatigue ou le manque de sommeil.
La dernière fessée, c'était il y a un mois et demi.
Amélia refusait de s'habiller. Nous étions en retard à la crèche où elle passe toujours de si bons moments et j'avais déjà eu tellement de mal à obtenir cette place! Je stressais de plus en plus comme le temps passait, et j'avais tout essayé.
_ "Tu veux mettre une robe ou un pantalon? (j'avais donné le choix)
_ Je veux pas m'habiller!
_ Mais il faut être habillée pour aller à la crèche jouer avec les copains! (j'avais expliqué pourquoi on doit s'habiller)
_ Veux pas aller à la crèche!
_ Tu ne t'amuses pas, à la crèche?
_ Non.
_ Ah bon? C'est nouveau? Tu fais quoi, à la crèche, alors? (je la distrais)
_ La peinture... Le collage... Le vélo..."
Et tandis qu'elle récitait toutes les activités qu'elle faisait à la crèche, je choisissais pour elle une culotte et la lui faisait enfiler. Elle était concentrée sur l'énumération de ses activités, et l'enfilait machinalement.
_ "Mais non!!! Non, maman!! Non!! Je veux pas!!"
Réalisant qu'elle venait de mettre sa culotte, elle s'énerve et l'enlève en la jetant par terre.
_ "Amélia, c'est amusant, la peinture et le vélo à la crèche.
_ Oui!
_ Alors pourquoi tu ne veux pas y aller?
_ Je veux jouer ici!"
Elle s'assoit par terre et attrape le premier jouet qu'elle voit pour me "montrer".
_ "Amélia! ça suffit, tu es en retard! Tu peux jouer dans ta chambre tous les jours! Maintenant c'est l'heure de la crèche. Tu choisis des vêtements tout de suite ou c'est moi qui le fais! (je pose un ultimatum)
_ Non!"
J'ai choisi. Elle a pris les vêtements et les a jetés par terre, encore une fois. J'ai craqué. La main est partie toute seule, fort. Elle a claqué sur sa cuisse gauche en laissant une marque rosé sur sa petite peau.
Je bouillonnais de colère, j'ai eu envie de la jeter contre le mur, de lui fracasser la tête sur le carrelage, de lui faire manger ses vêtements jusqu'à ce qu'elle s'étouffe avec!! Je les repoussais en l'écoutant fondre en larme et je suis sortie en claquant la porte, avec de faire une bêtise, une vraie.
J'ai pris le temps de me calmer. Mais plus je me calmais, plus j'avais envie de pleurer.
Après avoir essuyé mes larmes, je suis remontée dans sa chambre où elle pleurait toujours, allongée sur le carrelage, démunie et terrifiée, je l'ai prise dans mes bras et je l'ai serrée fort en m'excusant.
_ "Je suis désolée, je ne voulais pas te faire mal, ma chérie. En ce moment, je suis très fatiguée et un peu à bout de nerfs, tu comprends? j'ai du mal à me contrôler, je me mets très vite en colère. Je suis désolée de t'avoir donné une fessée."
Aux yeux de beaucoup trop de parents, s'excuser après une fessée est une marque de faiblesse, comme céder à un "caprice" (un jour ils comprendront peut-être que les enfants ne font pas de caprices...!), perdant de fait le bénéfice de l'autorité durement gagnée par une lutte de volonté qui termine toujours inévitable en faveur de celle de l'adulte...
Parce que l'adulte a toujours raison et l'enfant toujours tort, n'est-ce pas?
Depuis quelques jours, je récolte les fruits de ce geste si critiquable: mes excuses. Amélia a compris que je regrettais, que je ne voulais pas porter atteinte à son intégrité physique et que j'étais fatiguée et capable de colère beaucoup trop facilement.
Elle a aussi compris que quand on agit mal et malgré soi, on peut s'excuser.
Hier, en jouant et en chahutant dans la salle à manger, elle a renversé quelque chose. Elle n'a pas fait exprès, mais elle savait qu'elle avait mal agi. Au lieu d'attente un discours culpabilisant de Quentin ou une interjection agacée de ma part, elle a dit:
_ "Je suis désolée, j'ai pas fait exprès!"
Et elle est allée jouer plus loin. J'ai rigolé devant l'air ébahi de Quentin.
_ "Depuis quand elle fait ça?
_ Depuis que je progresse."
Chaque jour, je me réveille en essayant de relever un défi bien plus grand que moi: devenir une bonne mère, une maman aimante, confiante, à l'écoute, disponible et sereine. Je sais que je n'y arriverai jamais, mais c'est un objectif fixé comme une étoile qu'on décide de suivre. Chaque jour je fais mieux qu'hier. Et quand je ne suis pas contente de moi et de mes réactions de la journée, je me couche en me disant: "Demain on fera mieux!", moi et les enfants, tous les trois ensemble.
Dans tous mes efforts, Quentin est l'éternel distancé, qui ne s'occupe même pas de ce genre de considérations et qui croit aux bienfaits de la fessée. L'éternel ennemi, aussi, devant qui je m'interpose pour protéger mes petits.
Pas étonnant que ça batte de l'aile dans ce couple. Non seulement je n'ai pas de soutien de sa part pour tous les efforts que je peux fournir au quotidien dans ce travail sur moi titanesque, mais en plus, je dois m'épuiser d'autant à le tenir loin de mes enfants pour qu'il ne gâche pas tout ce que je peux passer mon temps à faire, me prenant insultes et remarques méchantes dans les dents...
Mais ça c'est une autre histoire, n'est-ce pas?
Lisez le livre d'Olivier Maurel. Et un autre livre génial, qui s'appelle Mon bébé comprend tout. Ils changent la vie.