Parce que j'ai tort d'être malheureuse quand il fait tout pour (flash-back)

Publié le par jesuisenceinte-poussezvous

J'entendis Renée sortir de la chambre parentale et descendre les escaliers. Quelques minutes plus tard, elle remontait. Je me souvins qu'elle descendait souvent aux toilettes en pleine nuit, profitant parfois de ces excursions nocturnes pour manger des sucreries au passage.

Après plusieurs dizaines de minutes, j'entendis à nouveau la porte de leur chambre s'ouvrir et quelqu'un en descendre. Le pas était plus lourd et je devinai Jacques.

J'avais beau essayer de me concentrer sur tout et n'importe quoi, les bruits de pas, le vent de l'autre côté de la fenêtre, le bruit de la tuyauterie qui alimentait le radiateur, j'étais juste incapable de retrouver une respiration normale. Mes yeux ne laissaient presque plus échapper de larmes. Ils me brûlaient et étaient probablement rouges, mais j'avais certainement pleuré toutes les larmes qu'ils avaient en réserve pour les trente prochaines années. En revanche, empêcher ma poitrine d'être secouée par les sanglots était irréalisable.

 

J'entendis Jacques remonter et fermai les yeux en essayant de lutter contre le souvenir d'une discussion que j'avais eue avec lui en épluchant des légumes, souriante et convaincue que mon bonheur durerait toujours.

C'est alors que la porte de la chambre s'ouvrit en grand sur Sébastien qui affichait une mine furieuse.

_ "Bon, t'arrêtes ton bordel, maintenant?! Putain, tu soules!"

J'essuyai mes joues du revers de la main sans répondre. Que diable avais-je fait?

_ "Mes parents, ça fait déjà deux fois qu'ils viennent me voir pour me dire qu'ils peuvent pas dormir à cause du bordel que tu fous! Qu'est-ce que t'as à pleurer, hein?"

La question me tua. Qu'est-ce que je pouvais bien avoir à pleurer, selon lui? Je ne sais pas, au hasard: être enceinte et mariée à un mec qui n'avait rien à faire de moi, par exemple?

Il repoussa la porte derrière lui et vint s'assoir sur le rebord du lit devant moi.

_ "Pourquoi tu dors pas?

_ Je t'ai dit que j'étais pas fatiguée, fis-je d'une petite voix.

_ Pourquoi tu te mets dans des états pareils, hein?"

Je haussai les épaules.

_ "J'y peux rien..."

Je me remis à pleurer de plus belle, essuyant mes yeux et mon nez dans un dixième mouchoir depuis que j'étais dans cette chambre.

_ "Couche-toi, déjà, au lieu de rester par terre.

_ Je veux pas, soufflai-je.

_ Allez, Laura. Fais pas ta gamine. Mets-toi au lit."

Il a vraiment cru qu'il allait pouvoir me mettre au lit comme un gosse et qu'une fois allongée, j'allais oublier tous mes malheurs et m'endormir d'un coup? Sérieusement?

_ "J'ai pas envie de dormir dans ce lit, je te l'ai dit, déjà, protestai-je."

Il poussa un nouveau soupir agacé.

_ "Arrête de pleurer."

J'essayai. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je finis par décider de bloquer ma respiration. Cette technique porta enfin ses fruits et j'essuyai mon visage une dernière fois avant de poser les yeux sur la chaine en argent qui était enroulée autour de mes doigts.

_ "C'est bon, soufflai-je. Tu peux y aller, retourner en bas. Je pleure plus."

Il ne bougea pourtant pas.

_ "Je ferai plus de bruit, promis-je."

Je levai alors les yeux vers lui et voir son visage fit revenir les larmes au galop. Je les épongeai d'un geste pressé et m'efforçai de les refouler.

_ "Désolée...

_ Allez, lève-toi, dit-il en me tendant les mains."

J'hésitai à les prendre un long moment avant de les attraper. Il me hissa sur mes pieds.

_ "Pourquoi tu veux pas dormir ici?

_ Les draps sont vides, ils ne sentent rien... seulement la lessive. C'est comme dormir dans une maison hantée. Il n'y a rien d'autre que des fantômes et des ombres..."

Je passai encore une main sur mes yeux humides.

_ "Le canapé a une odeur, au moins, soufflai-je."

Je m'assis sur le bord du lit, à côté du paquet de mouchoirs pour en prendre un nouveau et me moucher. J'étais vraisemblablement pathétique à souhait et je me sentais minable, mais pleurer était plus fort que moi.

_ "Je veux pas rester ici...

_ Tu vas pas dormir sur le canapé. Ne sois pas ridicule.

_ Et toi, alors? soufflai-je. Tu vas pas dormir sur le canapé, peut-être?"

Je passai un bref regard sur le grand lit.

_ "Je veux pas rester ici. On échange, d'accord? suppliai-je d'une petite voix.

_ Je suis pas encore couché..."

Je haussai les épaules.

_ "M'est égal.

_ Essaie de dormir, quand même."

Je secouai doucement la tête par la négative.

_ "Je montrerai tout à l'heure. Quand je serai fatigué.

_ Tu promets? Tu viendras vraiment?

_ Oui. Mais tu essaies de dormir.

_ J'arriverai jamais à dormir..."

Je levai un regard suppliant vers lui.

_ "Tu vas vraiment venir? Tu ne me laisses pas ici toute seule?"

Il opina et mes doigts firent un truc complètement bizarre, probablement le résultat de la fatigue, la nausée, les hormones, le désespoir et l'heure tardive. Ils déboutonnèrent sa braguette.

_ "Qu'est-ce que tu fiches? Arrête.

_ Tu n'as pas envie?"

Question rhétorique, évidemment. Séb a toujours envie, et ça je le savais.

Il a encore protesté à voix basse mais n'a strictement rien fait pour m'empêcher de faire ce que j'allais faire. Peut-être se demandait-il si j'allais aller jusqu'au bout...? Quand soudain, ma nausée se rappela à moi.

Je dus laisser de côté ce que j'avais commencé, le repousser sans délicatesse, dévaler les escaliers et vomir un mélange de bile et de salive dans l'évier de la cuisine. Il arriva dans la cuisine après moi et me demanda si ça allait.

Pliée en deux au-dessus de l'évier, je me sentais encore plus minable qu'à l'instant d'avant. Je n'étais même pas fichue de tailler une pipe à mon mari sans me mettre à vomir le contenu d'un estomac absolument vide. Ne fallait-il pas que je sois en-dessous de tout pour en être arrivée à ce point?

Du coup, évidemment, je me suis remise à pleurer.

J'ai immédiatement entrepris de sécher mes joues du revers de la main mais il s'en rendit compte quand même.

_ "Tu pleures encore?"

A son ton, je sentis qu'il n'était pas inquiet. Juste énervé.

_ "Désolée. C'est pas hyper agréable, de vomir..."

Je rinçai l'évier à grandes eaux et en profiter pour m'asperger la figure.

Publié dans deuxième trimestre

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