Le lien

Publié le par jesuisenceinte-poussezvous

Dépression du post-partum.

Quelle honte.

 

Je n'ai pas honte d'être dépressive, ou même d'être une mauvaise mère. Je trouve cela assez banal, au bout du compte.

J'ai honte parce que nous en sommes là.

 

A larmoyer sur nos vies où tout est calme, où nos enfants sont en bonne santé, où la médecine, bien qu'abusive, nous assure de la sécurité.

Dans d'autres pays, on voile les femmes. On les nie, on les prive du regard des autres, du droit même d'exister dans la sphère sociale. Et puis il y a ces femmes battues, violées, prostituées. Ailleurs, ce sont des petites filles qu'on excise, qu'on prive d'une partie du corps que la nature leur avait donné, qu'on ampute de leur intimité. Que dire encore de celles qui sont vitriolées? Ou de ces enfants mariées à 8 ans à des hommes de 50 ans?

Celles qui ne peuvent pas avoir d'enfants? Celles qui en font sans avoir le choix? Celles qui meurent en couche ou qui perdent un bébé? Celles qui font des fausses-couches ou celles qui ont besoin d'un long et laborieux parcours pour procréer ou adopter?

 

Et je me plains que je vais mal?

Et j'ose prétendre au droit de me plaindre alors que je suis libre, entière, en pleine santé physique et que mes deux enfants sont beaux, intelligents et tellement vivants?

 

Mais dans quel monde je vis? Quel sens donne-t-on à tout cela?

A quoi rime cette vie, au bout du compte?

 

Je me sens mal parce qu'il me manque un misérable paragraphe.

Parce que j'étais enceinte d'un petit bébé que je gardais au fond de mon giron chaud et protecteur, et que d'un seul coup, j'ai cessé de sentir mon corps. J'ai cessé de sentir mon bébé. J'ai cessé d'être sa mère.

Un seul petit paragraphe et ça change tout...

 

Quand j'ai vu Keenan, je n'ai pas senti mon côté louve le revendiquer. Je n'ai pas senti cet élan d'amour, de possessivité, de fusion m'envahir toute entière; je n'ai pas eu ce désir de le prendre, de le tenir, de le garder contre moi pour le protéger du monde; de le renifler, de le lécher, de le mordre pour répondre à cette folle pulsion de l'absorber, de l'avoir à moi seule.

 

J'avais ressenti tout cela pour Amélia.

Mais pas pour Keenan.

 

Je ne suis toujours pas sûre, au fond de moi, qu'il s'agit de mon bébé. La part animale en moi, celle qui me faisait mère, qui me donnait envie de couver l'oeuf dans mon ventre, de materner mon tout-petit une fois hors de moi, n'est pas apparue.

Comment une chose aussi naturelle que donner la vie peut-elle se faire sans ces émotions-là? Sans cette part-là de soi?

 

L'absence de sensations, le manque de contrôle sur mon corps et sur ces décisions concernant l'accouchement, la présence aseptisée de tous ces gens autour de moi... m'ont envoyée au fond d'un énorme trou où je ne me retrouve pas. Il manque une partie de moi. Il me manque cette partie qui me ferait aimer Keenan comme j'ai aimé sa soeur.

 

 

Où est passé cet élan?

Est-ce qu'on peut vraiment m'aider à le retrouver?

Est-ce que je vais réussir, un jour, à aimer Keenan?

 

J'ai tellement envie de l'aimer. Au fond, probablement que je l'aime déjà, mais... ce n'est pas... physique, fusionnel. Ce n'est pas comme pour Amélia. Ce n'est pas comme ça devrait. Vous savez, le sentir.

Ce cordon métaphysique qui immédiatement vient prendre le relais du cordon ombilical, celui qui fait qu'on sent son ventre se tordre de douleurs et d'angoisse quand il ne va pas bien, même quand on ne le voit pas, même quand rien de logique ne nous permet de le savoir. Ce ressenti-là.

Je ne l'ai pas.

 

C'est ironique, vous ne trouvez pas? Etre un monstre parce qu'il nous manque cette part animale - et somme toute essentielle - semble un pied de nez à toutes les grandes théories humanistes des siècles passées...

 

Je me souviens, après l'accouchement, les pleurs de Keenan me laissaient froide. J'y répondais pour soulager mes oreilles ou parce qu'Amélia dormait et que je ne voulais pas qu'il la réveille. J'y répondais parce que je regardais l'heure et que je me disais qu'il devait être changé ou nourri; comme une nourrice ou une machine aurait pu faire.

Jamais ils ne m'ont inquiétée. Jamais je n'ai eu mal pour lui, peur pour lui. Je suis détachée.

 

Ils n'ont pas seulement coupé le cordon ou mon ventre dans ce bloc opératoire. Ils ont coupé ce lien invisible et ténu qui relie une mère à son enfant.

 

J'ai vu un pédo-psychiatre aujourd'hui. Un médecin qui travaille à l'hôpital de Marseille et qui a l'habitude des dépressions post-partum.

Il a parlé de "trouble du lien mère-enfant".

Il ne sait pas si on pourra m'aider.

 

Il a aussi dit que ce trouble et la dépression sont deux choses très distinctes.

Je ne sais pas si je dois être rassurée ou non.

 

En un sens, ça voudrait dire qu'autre chose serait la cause de ma dépression; mais je ne vois pas quoi, car en dehors de mon mal-être horrible à l'idée de ne pas éprouver ce que je devrais éprouver pour mon fils, tout va bien en ce moment.

D'un autre côté, ça veut aussi dire qu'il n'a pas voulu écouter ce que j'ai dit: que j'allais mal pour cette raison-là, ce fameux "trouble du lien", et que c'est pour cette chose précise que j'ai besoin d'aide.

Si je suis l'idée que les deux phénomènes sont distincts, dois-je aller jusqu'à penser que je pourrais vivre heureuse et sans la moindre déprime sans pour autant aimer mon bébé? Je ne comprends pas.

 

J'ai des numéros de téléphone pour appeler des médecins et des psy sur Montpellier.

Espérons que l'un d'eux puisse m'aider...

 

Parce que je vais mal.

Parce qu'il me manque un putain de paragraphe, une putain de transition... un putain de lien... Et je vais le chercher jusqu'à ce que je le retrouve.

Publié dans vie de maman

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C
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J
Euh... Merci mais non merci!!!! (Qu'est-ce que vous foutez sur mon blog, sérieux??)
N
Bonsoir<br /> On ne se connaît pas et je suis &quot;tombée&quot; par hasard sur votre blog. J'ai moi aussi deux enfants et si mon histoire est différente, je me retrouve un peu dans la votre... Je n'ai pas aimé ma fille au premier instant... En tout cas pas comme je l'avais imaginé, pas comme on le lit dans ces magasines qui vous font paraître comme la maman la plus imparfaite... Que c'est dur de se sentir &quot;anormal&quot; de chercher ce qui cloche... Jusqu'à accepter qu'il n'y a pas d'amour parfait, pas de mère idéale et que l'amour peut être immédiat mais peut aussi se construire chaque jour, qu'il faut mettre un mouchoir sur ses ides noires et avancer, puisque finalement la vie est belle ! Courage ... Trouvez un but, un projet, un truc qui plait !
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